Ministre du culte et secret professionnel
Page revue en septembre 2022
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Le secret professionnel des ministres du culte a fait l'objet d'une circulaire du ministère de la justice, sous le timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces, ayant pour but de rappeler l'état de la jurisprudence dans ces domaines, de fixer des orientations de politique pénale quant au secret religieux applicable aux ministres du culte d'une part, et d'autre part quant aux réquisitions auprès des ministres du culte, perquisitions et saisies dans les lieux de culte.
1 - Le respect du secret pour les ministres du culte :
Historiquement, seul le secret de la confession semble avoir été consacré par le droit positif.
Une décision du tribunal correctionnel de la Seine du 19 mai 1900 a eu l'occasion de confirmer que les ministres du culte étaient tenus de garder le secret des confidences qu'ils pouvaient recevoir à raison de leur qualité, et a affirmé que la prohibition de toute violation du secret était absolue.
Depuis la loi de séparation, une décision du tribunal correctionnel de Bordeaux du 22 avril 1977 a rappelé, s'agissant d'un pasteur de l'Eglise réformée, que tout ce qu'il avait pu apprendre lors de l'entretien préalable au mariage religieux imposé à de futurs époux était couvert par le secret.
OBLIGATION ET AUTORISATION DE REVELER UN SECRET A L'AUTORITE JUDICAIRE :
En principe, la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire est passible d'une condamnation pénale, en application de l'article 226-13 du code pénal.
Toutefois, certaines exceptions sont prévues à l'article 226-14 du code pénal, qui distingue les cas où la loi impose la révélation du secret des cas où la loi autorise cette révélation, ainsi que les cas particuliers des atteintes ou sévices graves infligés à un mineur de 15 ans ou à une personne particulièrement vulnérable, et la situation des médecins qui constatent l'existence de tels sévices ou agressions à l'égard de quiconque.
Au vu de l'article 226-14 précité, il semble qu'un ecclésiastique, comme toute autre personne, qui révélerait des infractions de sévices graves ou d'atteintes sexuelles sur un mineur de quinze ans ou une personne vulnérable hors d'état de se protéger, n'encourrait aucune poursuite pour violation du secret professionnel, puisque la loi lui autorise cette révélation.
LES LIMITES DU SECRET PROFESSIONNEL
L'article 434-1 du code pénal sanctionne la non-dénonciation de crime. Il prévoit cependant expressément que cette obligation ne s'applique pas aux personnes astreintes au secret professionnel dans les conditions prévues par l'article 226-13 du code pénal.
Dès lors, l'absence de dénonciation par une personne tenue au secret professionnel d'un crime dont elle aurait eu connaissance ne saurait être sanctionnée pénalement et la possibilité de signalement à l'autorité judiciaire de certains faits, prévue par l'article 226-14 du code pénal, ne peut être analysée que comme simple faculté, laissée à la discrétion du débiteur du secret, et non comme une obligation.
L'article 434-3 du code pénal impose quant à lui à quiconque, ayant eu connaissance de mauvais traitements ou de privations infligées à des mineurs de 15 ans ou à une personne vulnérable, d'en informer les autorités judiciaires ou administratives. Là encore, il prévoit en son second alinéa, que cette obligation ne s'applique pas aux personnes astreintes au secret professionnel, tout en ajoutant « sauf lorsque la loi en dispose autrement ». Mais cette dernière incise semble concerner essentiellement les personnes participant aux missions du service de l'aide sociale à l'enfance et les assistants de service social (code de l'action sociale et des familles article L 221-6).
Sous cette réserve, il apparaît donc que l'absence de dénonciation par une personne tenue au secret professionnel de mauvais traitements ou de privation infligés à des mineurs de 15 ans ou à une personne vulnérable ne puisse être sanctionné pénalement, et que, là encore, le signalement de tels faits aux autorités soit une simple faculté, ouverte par l'article 226-14 du code pénal.
Il importe donc de savoir :
- si les ministres du culte appartiennent à la catégorie des personnes tenues au secret professionnel,
- et dans quelle mesure l'existence d'un tel secret peut être, concrètement, invoquée par eux.
Sur le premier point, une jurisprudence traditionnelle, rendue sous l'empire de l'ancien code pénal et de son article 378, mais reprise dans le cadre de la rédaction nouvelle de l'actuel article 226-13 (tribunal correctionnel de Caen 4 septembre 2001), n'avait fait aucune difficulté pour considérer que les ministres des divers cultes étaient astreints au secret professionnel, aussi bien pour les faits appris dans le cadre étroit de la confession, que pour ceux venus à leur connaissance en raison même de leur qualité de ministre du culte (à l'exclusion de toute autre qualité comme par exemple celle d'ami, de parent, ou de médiateur (cour d'appel de Montpellier 19 octobre 1999).
Sur le second point, une jurisprudence récente d'un tribunal correctionnel (Caen 4 septembre 2001) a eu l'occasion de pencher sur cette question et de rechercher si l'information reçue par le ministre du culte avait un caractère secret, non pas tant en raison de la qualité de celui qui la recevait, mais en fonction de la nature même de celle-ci et des conditions dans lesquelles elle était venue à la connaissance du ministre du culte. En l'espèce, le tribunal relevait que l'ecclésiastique concerné avait eu connaissance d'une partie des faits à la suite de l'enquête qu'il avait prescrit à son vicaire général de diligenter. Et il en déduisait que les faits ainsi venus à sa connaissance ne procédant ni d'une confession, ni d'une autre confidence spontanée, ne pouvaient être constitutifs d'un secret professionnel de nature à exonérer le ministre du culte de l'obligation de révélation pesant alors intégralement sur lui (en ce sens également tribunal correctionnel de Dijon 25 février 1998).
Il apparaît clairement que les qualités, voire les conditions dans lesquelles un ministre du culte a appris une information ne sont pas indifférentes à la qualification de « secret professionnel » de celle-ci, et, par voie de conséquence, à l'étendue de l'obligation de révélation dudit ministre du culte.
La circulaire demande aux tribunaux de veiller à ce que les procureurs de la République fassent diligenter de manière systématique des enquêtes, dès lors qu'existe une suspicion de non-révélation de crime ou de mauvais traitements ou de privations infligés à des mineurs de 15 ans ou à une personne vulnérable, afin de pouvoir déterminer avec précision dans quel cadre le représentant du culte concerné a eu connaissance des faits.
2 Réquisitions et secret professionnel
L'OBLIGATION DE REPONDRE AUX REQUISITIONS :
L'article 80 de la loi 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a créé un article 60-1 du code de procédure pénale qui prévoit une obligation de répondre aux réquisitions de l'officier de police judiciaire, sous peine de sanction pénale.
Sauf exceptions prévues par l'article 60-1 du code de procédure pénale pour des personnes déterminées, cette obligation s'applique à toute personne, physique ou morale, tout établissement ou organisme privé ou public ou toute administration publique susceptible de détenir des pièces intéressant l'enquête, y compris celles issues d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives.
La généralité des termes de la loi conduit à considérer que tout ministre du culte a l'obligation de remettre tout document, de quelque nature que ce soit, à un officier de police judiciaire qui en fait la demande par voie de réquisition, dès lors que cette pièce est susceptible d'intéresser l'enquête.
Il n'appartient pas à la personne requise, dont le ministre du culte, d'apprécier si les documents sollicités sont susceptibles d'intéresser l'enquête.
LA SANCTION EN CAS DE NON REPONSE :
En dehors des exceptions susmentionnées, toute personne qui ne répondrait pas à la réquisition prévue à l'article 60-1 du code de procédure pénale est susceptible d'être poursuivie pénalement et peut se voir infliger une amende de 3 750 euros.
La responsabilité des personnes morales est encourue dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal.
L'alinéa 2 de l'article 60-1 dispose que l'infraction n'est constituée que si l'intéressé s'est abstenu de répondre dans les meilleurs délais, notion indéfinie dans la loi, et qu'il appartiendra à la jurisprudence de parfaire.
SECRET PROFESSIONNEL ET MOTIF LEGITIME :
La loi a expressément prévu que le fait d'être astreint au secret professionnel ne dispensait pas, en principe, une personne sollicitée régulièrement de répondre à la réquisition de l'officier de police judiciaire.
En effet, l'article 60-1 dispose que le motif du secret professionnel ne peut normalement être opposé par la personne requise à l'officier de police judiciaire comme élément justifiant le refus de réponse.
De même, le fait que des pièces soient couvertes par le secret professionnel ne justifie pas en soi un refus de remise.
Ainsi, en principe tout ministre du culte ne saurait faire valoir d'une part qu'il est astreint au secret professionnel, d'autre part que les pièces sont couvertes par le secret professionnel pour refuser de répondre à la réquisition sollicitée.
Toutefois, la loi a entendu prévoir la possibilité offerte à toute personne de ne pas déférer à la réquisition en opposant l'obligation au secret professionnel, dès lors que cette opposition était accompagnée d'un motif légitime.
La loi n'a pas prévu dans quels cas l'obligation au secret professionnel pouvait constituer un motif légitime pour refuser de répondre à la réquisition.
La circulaire précise qu'il appartiendra aux juges du fond d'apprécier, dans le cadre d'une poursuite pénale pour non-réponse à une réquisition judiciaire, si la protection d'un « secret absolu » au sens du droit canon peut constituer le motif légitime prévu par la loi.
© 2022 Gérard HUNG CHEI TUI / ACTES 6
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