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Lieu de culte, question immobilière et droit de préemption

Le christianisme évangélique rencontre de réelles difficultés pour pratiquer son culte. En effet, certains maires font un usage systématique et illégal du droit de préemption pour empêcher la création de lieux de culte. De tels comportements sont contraires aux principes constitutionnels.

C'est pourquoi, le ministre de l'Intérieur a rappelé, dans la circulaire publiée le 14 février 2004, les principes existants permettant la construction ou l'aménagement d'édifices du culte :

« Le principe de séparation des Eglises et de l'Etat fixé par la loi du 9 décembre 1905 et le principe fondamental de laïcité inscrit dans la Constitution font de la neutralité la pierre angulaire des relations des autorités publiques avec les organes religieux.

La neutralité ne signifie cependant pas l'indifférence à l'égard du fait religieux puisqu'aux termes mêmes de la loi 9 décembre 1905, la République garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées par la loi dans l'intérêt de l'ordre public (article 1er).

Ainsi, l'édification d'un lieu de culte ne peut être empêchée que pour des motifs liés à l'application des règles en vigueur, notamment des règles en matière d'urbanisme et de construction des édifices recevant du public.
Le juge administratif veille à ce que le droit de l'urbanisme ne soit pas détourné de son objet pour empêcher la construction d'un édifice du culte (TA Lyon 10 février 1993 Association Altène) et le juge judiciaire qualifie de voie de fait l'utilisation inappropriée par une autorité municipale de son droit de préemption pour empêcher l'édification d'un lieu de culte (CA Rouen 23 février 1994 Association locale des témoins de Jéhovah d'Elbeuf).

Selon le Conseil d'Etat, un plan d'occupation des sols peut réserver un emplacement pour l'édification d'un lieu de culte car un édifice cultuel peut présenter, au regard des caractéristiques de l'opération urbanistique projetée, " le caractère d'une installation d'intérêt général au sens du 8° de l'article L. 123-l du code de l'urbanisme " (CE 25 septembre 1996 n° 109754).

Bien entendu, il importe que tout projet de construction d'un édifice du culte faisant l'objet d'une demande de permis de construire soit en conformité avec les règles nationales et locales d'urbanisme. Ainsi, le non-respect de la destination d'un terrain classé (CE 31 octobre 1986 n° 62424), l'insuffisance de places de parking (CAA Nantes 24 mars 1999 n° 97NT0 1087) ou le non-respect de la hauteur plafond (CE 25 septembre 1996 n° 109753) sont autant de cas dans lesquels le permis de construire peut être refusé à bon droit.

A contrario, dès lors que les règles sont respectées, le refus de délivrer le permis de construire encourt l'annulation (CE 3 février 1992n°1 18855; CAA Marseille 12 février 2004 n° 99MA02188). »

Remarque

Selon le rapport Machelon du 20 septembre 2006 :

on dénombrait en France environ 1850 salles ou temples des églises évangéliques ;
il s'ouvre une salle de prière évangélique toutes les semaines

Tribunal administratif de Lyon - 10 février 1993 - Association Altène

La volonté d'une commune de modifier les règles d'urbanisme pour les adapter à un projet est tout à fait valable du moment où il est justifié par des préoccupations d'urbanisme.

Cependant, dans le cas « Association Altène » du 10 février 1993, le Tribunal Administratif de Lyon relève des indices de nature à mettre en œuvre le détournement de pouvoir.

Il relève l'intention manifeste d'empêcher l'édification d'une « salle du Royaume » des Témoins de Jéhovah.

La motivation du procès verbal de réunion du conseil municipal d'Albigny sur Saône était en effet de répondre à l'attente de certaines associations de défense qui refusaient la venue des Témoins de Jéhovah sur le territoire de la commune. La mise en révision du P.O.S. (Plan d'Occupation des Sols) décidée à cette occasion, n'était donc pas inspirée par des motifs d'urbanisme mais servait de prétexte pour surseoir à statuer sur la demande de permis de construire d'un lieu de culte.

Le juge a donc dans cette affaire, sanctionné le comportement fautif de la commune en retenant à l'encontre du maire, le détournement de pouvoir. Cela est conforme avec l'orientation du droit de l'urbanisme.

Dans sa réponse aux questions posées par des parlementaires, le ministre de l'intérieur a en effet déclaré : « le fait pour l'autorité administrative compétente de refuser un permis de construire en s'appuyant sur des considérations étrangères à l'urbanisme ou en modifiant à dessein la réglementation locale en la matière, constituerait un détournement de pouvoir dont la sanction par les juridictions administratives saisies serait l'annulation de la décision de refus contestée ».

Cour d'Appel Rouen - 23 février 1994 - Association locale des témoins de Jéhovah d'Elbeuf

Il y a « voie de fait » entre autres lorsque « l'administration fait un usage manifestement inapproprié des pouvoirs dont elle dispose légalement dans d'autres circonstances ».

Dans l'affaire Association locale des Témoins de Jéhovah d'Elbeuf du 23 février 1994, la cour d'appel de Rouen a correctement dégagé les éléments constitutifs de la voie de fait.

Tout d'abord, elle constate que le droit de préemption, prérogative de l'administration communale, a été utilisé de manière inadéquate, pour empêcher l'implantation d'un lieu de culte des Témoins de Jéhovah.

Découlant de cette constatation, elle retient, ensuite, l'atteinte à l'une des manifestations de la liberté de culte garantie par les textes nationaux et internationaux (loi du 9 décembre 1905, art. 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et art. 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales), c'est-à-dire avoir un lieu de culte : « la possibilité d'avoir un lieu de culte permettant l'organisation de réunions publiques pour des célébrations en commun est une des manifestations de la liberté de culte ».

Ainsi, les deux éléments constitutifs de la voie de fait étaient réunis. Le juge a donc pu sans exagérer, sanctionner le comportement de l'administration en annulant l'arrêté de préemption illégal.

Note ACTES 6 :

Les deux arrêts ont été trouvés dans le mémoire pour le D.E.A. de Droit Immobilier Privé et Public de Mademoiselle Virginie GABRIELLI. Ce mémoire a pour titre « Le droit de l'urbanisme et les " Nouveaux mouvements religieux " : le cas des témoins de Jéhovah ».

© 2007 Alain LEDAIN - Gérard HUNG CHEI TUI
Cet article est tiré du livre « Le culte et la législation » - Edition 2010

 

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